TROISIEME COURSE : 21 JUILLET 1920

Catégorie : 1920 : DEFI N°13

FINAL TRÈS SERRÉ. RESOLUTE GAGNE GRACE AU HANDICAP.

Le bateau de Lipton passe son rival près de l’arrivée

THURSDAY, JULY 22, 1920 Le mélodrame dans l’Océan Atlantique n'a pas eu la galerie qu'il avait connue pour les deux fiascos...

... en dehors du canal. Les bateaux spectateurs ont été considérablement moins nombreux. Le Highlander, qui emmène les membres du New York Yacht Club était absent et la petite flotte de bateaux de pêche semblait en être venu à la conclusion qu'il n'y avait plus de suspens et avait préféré reprendre le travail.

La flotte aérienne était toujours aussi nombreuse. Un avion effronté faisait le clown trop près des yachts pour la plus grande joie des spectateurs jusqu'à ce que l'air se remplissent de réprimandes par transmission sans fil et le délinquant disparut en disgrâce. Le dirigeable NC-10 tournait au-dessus de la scène tandis que les destroyers lance-torpilles remplissaient leur rôle méthodiquement mais n'y avait pas de bateaux trop curieux. La plus grande course de toutes allait se dérouler dans un théâtre à moitié vide. L'intérêt semblait rapidement sur le déclin.

Le départ reporté d'une heure

Il ne semblait pas y avoir le moindre signe de brise autour du bateau phare Ambrose et le départ a été reporté d'une heure tandis que les deux yachts se prélassaient parmi les destroyers et bateaux officiels. Ensuite, il semblait y avoir juste un zéphyr du sud-ouest et une procédure de départ a été lancée.

Shamrock s'est précipité vers la première marque pour essayer de déventer le défenseur. Mais Resolute est revenu et il a pris la tête.

Il s'en est suivi une série de virements de bord si bien que les bateaux ressemblaient à une paire d'insectes excités au combat. La brise a commencé à fraîchir et les coureurs naviguaient vers la côte du New Jersey en direction de la plage de Deal, gîtant de plus en plus au fur et à mesure que la brise fraîchissait. Le skipper de Shamrock a continué plus loin vers le rivage.

Comme ils revenaient vers Long Beach, ils se sont rapprochés de plus en plus et ont commencé un lofting match. Soudain, Resolute a réalisé cet exploit de jujitsu nautique en déventant son rival. Les voiles de Shamrock faseyaient tandis que Resolute continuait son chemin contre le vent, gagnant centimètre par centimètre et pied à pied comme à chaque virement de bord.

Resolute s’éloignait vers le fond brumeux du large tandis que Shamrock était toujours empêtré dans son sillage vert clair. La brise fraîchissait toujours et les bateaux naviguaient avec le liston sous l'eau.

A 15 heures, l’écart s’était creusé à environ deux cinquièmes de mile et Resolute remontait mieux contre le vent. A ce moment, les deux bateaux se dirigeaient vers la marque qui brillait sur la coque noire du Corsair, le yacht de Morgan. Le vent fraîchissait régulièrement et des moutons commençaient à parsemer la mer.

Les observateurs ont commencé à réaliser qu'il y aurait effectivement une course qui promettait d'être la plus animée de la série. Le destroyer Semmes naviguant dans le sillage de Shamrock a dû accélérer jusqu'à dix nœuds pour le suivre et les hommes qui ont commencé à prendre un intérêt dans la puissance du vent contre la vapeur.

Resolute bondit comme un faucon

Avec une gîte maximum, Resolute a franchi la marque comme un faucon qui bondit sur sa proie. Il a enroulé la bouée dans un battement d'ailes et s'est élancé dans le bord final. La manœuvre des voiles s'est effectuée avec la rapidité et la régularité habituelle pour le yacht américain, du moins en apparence.

Pendant un bref instant le long spi blanc semblait accrocher et les observateurs commencèrent à murmurer que la malchance qui était arrivée à Shamrock la veille pouvait arriver au défenseur. Mais le spi a été établi en un clin d'œil. Puis le foc ballon a jailli et le défenseur, tel un grand oiseau blanc, pouvait s'envoler vers la ligne. A cet instant, le soleil jaillit pour mettre en lumière une image magnifique.

Shamrock a passé la marque plus maladroitement mais avec une bonne pointe de vitesse, et a commencé à sortir son énorme nuage de toile. Le grand spi a été établi en un instant. La manœuvre du foc ballon s'est déroulée plus lentement mais Shamrock était pour essayer de rattraper son handicap de temps.

Shamrock avait déjà démontré que le vent arrière pouvait lui être favorable. C'était une évidence que Shamrock ne pourrait pas rattraper le temps perdu s'il n'y avait pas d'accident comme jeudi dernier quand Resolute a perdu la première manche à cause de la rupture de ses drisses.

C’était le sujet de conversation sur tous les bateaux suiveurs. La rupture d'un de ces longs et minces espars de Resolute pourrait signifier la fin de la Coupe de l'America comme un trophée américain et une longue bataille pour le récupérer. La rupture d'une drisse pourrait provoquer l'effondrement de cette magnifique cathédrale de toile et la série prendrait fin avec la perte de la Coupe.

En espérant que Resolute tiendrait

Allait-il tenir? se demandait-on. Le vent était presque aussi fort que le premier jour où Resolute a laissé échapper une victoire qui lui était promise. Le lourd Shamrock IV portait toute la toile face à Resolute qui avait l'air si mignon et si frêle. Le sloop grand vert revenait et la marque était caché à nouveau par la brume.

Quand le capitaine "Bully" Norton, du destroyer Semmes, a annoncé que les bateaux avaient couvert la moitié du dernier bord, le vent semblait faiblir peu à peu. Il est tombé de plusieurs nœuds dans l'espace de quelques miles et le grand bateau poursuivait sa remontée. Mais à ce moment-là, il semblait évident que la course serait remportée par Resolute grâce au handicap de temps mais pas en temps réel.

Bien que les observateurs savaient que si Shamrock franchissait la ligne d’arrivée en tête ne serait pas une victoire, mais ils ne pouvaient pas s’empêcher d’être déçus par cette image.

les deux bateaux portaient toute la toile qu'il pouvaient. Il n'y avait pas de manœuvre à faire. Le vent venait de derrière et la marque était devant.

Avec un résultat aussi clair que si « RESOLUTE WINS » était déjà à la une des journaux, les spectateurs se sont rassemblés sur les ponts des bateaux suiveurs pour regarder le dépassement du défenseur par le challenger. C'était comme regarder un film d’épouvante qui était destiné à faire frémir. Mais l'image n'est pas prise en compte dans le visage de la réalité.

A moins d'un mile du bateau phare, le dépassement a eu lieu et Shamrock s'est dirigé vers l’arrivée en eau libre, visant un point situé directement au centre de la ligne entre le bateau phare et la marque. Il a au moins fait étalage de ses énormes voiles face à celles finement ciselées de Resolute, mais tout cela était inutile et presque difficile à regarder.

Les sifflets et les sirènes rugissaient en salue. Shamrock a lofé sur bâbord et a commencé à affaler les voiles. Elles étaient déjà sur le pont quand Resolute a franchi la ligne. Il semblait que Shamrock aurait gagné en temps réel par une seconde ou deux, mais le chronomètre indiquait que le temps était exactement le même. Il y avait là un paradoxe que le terrien ne pourra jamais comprendre. Des ex-æquo après trente miles, et le défenseur qui gagne de sept minutes et une seconde.

A la question pose par signaux de savoir si les bateaux seraient d'accord pour courir le lendemain, le défenseur a répondu qu'il était prête mais Shamrock a répondu par la négative. Le capitaine Burton a décidé qu'il avait besoin d'un carénage ordonné par Sir Thomas Lipton dont la yacht se trouvait près de la ligne d'arrivée.