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MISE EN PLACE DU PREMIER DEFI

Catégorie : 1870 : DEFI N°1

Cambria and Sappho in close quarters off the Isle of WightUne longue attente

Dix-huit années se sont écoulés entre la conquête de la coupe par America et la proposition d'un premier défi. Les raisons de ce long laps de temps sont claires. D'un côté, les plaisanciers anglais ont été longs à digérer la défaite et à en tirer les leçons alors que, de l'autre côté de l'Atlantique, les États-Unis avaient d'autres choses à penser que la plaisance pendant les cinq ans de guerre civile.

The Great Ocean Yacht Race

La relance du sport aux États-Unis a été brillante et a attiré l'attention du monde entier. Comme les Yankees avaient été les premiers à envoyer un yacht à travers l'océan Atlantique, ils ont été les premiers aussi à organiser une course océanique. Cette course s'est déroulée pendant l'hiver 1866, entre les goélettes Henrietta, détenue par M. James Gordon Bennett, le Commodore du New York Yacht Club, le Fleetwing, appartenant à George et Franklin Osgood, et le Vesta, propriété de Pierre Lorillard. Cette course a eu des répercussions sur la Coupe de l'America en raison de l'effet provoqué en Angleterre.

L’arrivée de la goélette américaine Sappho en Angleterre

Un autre événement, un an et demi après "the great race", qui pouvait relancer l'envie de relever le defi pour l'America's Cup a été l'arrivée de la goélette américaine Sappho dans les eaux anglaises en été 1868. Sappho a été construite par C. & R. Poillon de Brooklyn. Ses lignes étaient très fines et ses dimensions sont les suivantes: longueur sur le pont: 133 pieds 9 pouces; flottaison en charge: 120 pieds; Maitre-bau: 24 pieds 9 pouces; tirant d'eau: 12 pieds et 6 pouces. C'était le plus large yacht construit à ce moment-là aux États-Unis, et de grands espoirs avaient été placés en elle. Sa première apparition dans les eaux anglaises n'a pas été très encourageante. Dans une course autour de l'île de Wight, sur le même parcours que lors de la victoire d'America en 1851, elle a été battue par quatre goélettes, y compris Cambria, appartenant à M. James Ashbury.
James AshburyJames Ashbury était le fils d'un charron qui a fait fortune en inventant une voiture de chemin de fer. Il était originaire de Manchester, mais résidait à Londres. Bien que doté d'une grande richesse, son statut social n'était pas élevé. Ses efforts pour gagner la coupe pouvaient représenter une promotion sociale, bien que M. Ashbury était sans aucun doute un sportif agressif. Il mourut à Londres le 3 septembre 1895.

Lors de la course, Sappho était en configuration croisière avec des tonnes de ballast de pierre qu'elle avait chargées pour traverser l'océan. Elle n'était pas par conséquent à son meilleur niveau. Sa performance, cependant, était une bénédiction pour la Coupe car il a donné à M. Ashbury l'idée qu'il pourrait facilement battre n'importe quel yacht américain, puisque Sappho était le meilleur de tous.

Une première proposition de Mr. Ashbury

Il s'est donc adressé au New York Yacht Club le 3 Octobre 1868 dans l'espoir de mettre en place un défi spécifique.

Ses conditions étaient:

  • 1. Je propose que pendant ou avant la saison 1869, le New York Yacht Club sélectionne leur meilleure goélette d'une jauge de dépassant pas dix pour cent de la mesure Thames (188 tonnes) de Cambria.
  • 2. Je désirerais voir le navire choisi arriver en Angleterre en temps voulu pour prendre part aux régates du Royal Yacht Squadron à Cowes, et du Royal Victoria Yacht Club à Ryde. Ces courses, au nombre de six, huit ou neuf, se déroulent début Août autour de l'île [53 miles nautiques], les Victoria et Queen's Cup [environ soixante], et probablement une course à Cherbourg et retour. Les prix seraient la Queen's Cup annuelle présentée par le Royal Yacht Squadron, deux coupes de cent livres chacune proposées par les villes de Cowes et Ryde, et plusieurs coupes de 100 livres et 50 livres, et je peux ajouter que si le yacht peut arriver environ un mois plus tôt, il pourrait participer à quelques-unes des meilleures courses océaniques du Royal Thames Yacht Club. Lors de ces courses, votre bateau pourra rencontrer tous les meilleurs yachts anglais et écossais - entre autres, les goélettes - et aurait une belle occasion de tester ses qualités, et avec la tentation d'un grand nombre de prix, très appréciés et très recherchés mais pas pour leur simple valeur intrinsèque.
  • 3. Vers le 1er Septembre, je desirerais affronter votre bateau entre l'île de Wight et New York pour une coupe ou d'un service en argent d'une valeur de 250 livres, sans aucune restriction quant à la voile ou au nombre de marins.
  • 4. Je voudrais, avant la course, affronter ledit navire autour de Long Island avec le système de handicap du Royal Thames Yacht Club; deux courses sur trois sur ce parcours decideront du vainqueur du championnat et de la possession finale de "l'America's Queen's cup of 1851". En cas de défaite, je présenterai au New York Yacht Club ou au propriétaire du navire victorieux une coupe d'une valeur de 100 guinées, ou je la mettrai en jeu contre toute autre goélette de mon tonnage sur le même parcours dans les conditions précitées; le navire choisi par le New York Yacht Club comme le navire le plus rapide en Amérique de même taille et même catégorie, et a condition que ledit navire n'ait pas été construit depuis la date de cette communication et soit dans tous égards, un navire de mer et non une simple coquille ou machine de course.

Le New York Yacht Club n'a pas accepté l'invitation de M. Ashbury à participer à des courses océaniques, mais l'a invite à participer à la Coupe de l'America, l'informant que le défi devait être présenté par un yacht club étranger régulièrement organisé.

Une deuxième proposition

M. Ashbury a répondu 24 Février 1869 qu'il lui serait facile d'obtenir le consentement de «l'un des Yacht Clubs Royaux» auxquels il appartenait. Le 20 Juillet 1869, il précisait qu'il espérait naviguer sous les couleurs du Royal Thames Yacht Club, auquel il remettrait la coupe en cas de victoire, "pour en faire un challenge ouvert à tout yacht-club royal ou de première classe reconnu; en fournissant un préavis de six mois, et sur des courses d'au moins 300 miles dans la Manche ou tout autre océan". Dans le cas où toutes les conditions qu'il a nommées seraient approuvées, M. Ashbury a déclaré qu'il était prêt à concourir aux environs du 27 août.

Le New York Yacht Club n'appréciait pas la tentative de M. Ashbury de mettre de côté l'Acte de Donation et de fixer ses propres conditions. Il n'acceptait pas non plus la condition de défendre la Coupe avec un seul navire. Il n'y a aucune trace de la réponse faite à M. Ashbury jusqu'à ce télégraphe: «Est-ce que le Cambria est autorisé à rencontrer votre goélette champion pour la Coupe de l'America sur la base de ma lettre du 20 Juillet ?"

À cela, M. Ashbury reçut une réponse pas très claire disant que si M. Ashbury voulait naviguer pour la Coupe de l'America, il aurait à affronter une flotte. L'America n'avait pas navigué seul contre une flotte, mais comme l'un des quinze navires, chacun essayant de gagner la coupe. Dans ce cas, ce serait une flotte contre un navire. Ces conditions jugées injustes par le commodore Stevens devaient être appliquées au premier challenger. Vu à la lumière de l'éthique sportive d'aujourd'hui, il semble que M. Ashbury avait eu une vision plus large du sujet. La coupe avait cessé d'être un trophée de flotte pour aller à l'individu qui l'a gagnée quand elle est passée dans les mains des propriétaires de l'America. La Coupe avait été confiée au New York Yacht Club pour faire un défi international entre clubs représentant leurs nations respectives. L'hypothèse de M. Ashbury qu'il devrait couru navire contre navire, et non par un seul navire contre une flotte, était solide et juste, comme plus tard l'expérience l'a montré.

"Après avoir effectué les préliminaires nécessaires lors de votre arrivée, vous aurez le droit de participer à la régate annuelle du New York Yacht Club." M. Ashbury était assuré d’être "chaleureusement accueilli".

Aucune suite ne sera donnée par M. Ashbury qui regrettait de ne pouvoir disputer la coupe cette saison sur la base de ses propositions.

On notera que, dans cet échange de correspondance pour mettre en place un premier défi, les deux parties sont tombées dans l'erreur, le New York Yacht Club par son manque d'esprit sportif comme le montre son interprétation de l'Acte de Donation, et M. Ashbury en essayant de dicter ses conditions.

La troisième proposition

M. Ashbury, avec une ténacité hors du commun, est retourné à la charge en Novembre 1869. Il avait organisé une course océanique contre Dauntless, appartenant à James Gordon Bennett, en Septembre 1869, mais les arrangements ont échoué car Dauntless ne pouvait être prêt à temps. Le 14 Novembre 1869, M. Ashbury écrit au New York Yacht Club que dans le cadre de sa course à travers l'océan contre Dauntless en Mars 1870, il souhaiterait naviguer pour la coupe le 16 mai 1870, sur un parcours triangulaire "de Staten Island, une quarantaine de miles au large et retour". Sa lettre contenait également ces lignes en désaccord avec son affirmation selon laquelle les conditions qui prévalaient dans la course de 1851 n'est plus tenu valables aujourd'hui:
"La coupe ayant été gagné à Cowes en application des règles du R.Y.S., il s'ensuit qu'aucun navire à dérive ne peut participer contre le Cambria dans cette course particulière."

À cet argument, le New York Yacht Club a répondu qu'il n'avait pas le pouvoir de déroger aux termes de l'acte de donation, et a rappelé la condition que "en cas de désaccord" le match serait «disputé selon les règles du club détenteur de la Coupe". Le club a déclaré qu'il ne pouvait donc pas accepter une proposition visant à exclure de la course un yacht dûment qualifié pour naviguer dans les règles du New York Yacht Club.

Malgré son insatisfaction à l'égard des conditions offertes, M. Ashbury décida de venir à New York avec sa goélette. Il avait affronté Sappho à trois reprises, perdant deux fois. Sapho était devenu très rapide, surclassant entièrement Cambria.

Pour ajouter à l'intérêt de l'arrivée du premier challenger dans ce pays, Cambria a disputé une course océanique contre Dauntless de Daunt's Rock à Sandy Hook, à partir du 4 juillet 1870. Dauntless était une goélette à quille rapide, 123 pieds et 10 pouces de long, 26 pieds et 7 pouces de maître-bau et 12 pieds 6 pouces de tirant d'eau. Elle avait un équipage très expérimenté comprenant Martin Lyons, Samuel Samuels et "Old Dick" Brown. Cambria, bien que plus lent, a remporté la course, naviguant 2917 miles en 23 jours 5 heures et 17 minutes, devançant Dauntless de 1 heure et 43 minutes. Le voile-maître de Dauntless, en parlant de cette course en 1901, a déclaré: "il y avait trop de talent amateur à bord."